Archive | 03:30

You walk into the room with your pencil in your hand

29 Sep

J’ai travaille à présent au journal de mon université, et c’est bien plus fatiguant que ce à quoi je m’attendais.

Le Daily Tar Heel est le journal principal du campus , mais sa réputation dépasse largement les frontières de Chapel Hill. J’avais été impressionnée par la page wikipédia me promettant « l’un des meilleurs journaux étudiants du pays ». Je suis à présent estomaquée devant cette énorme et redoutable machine à articles dans laquelle j’ai mis les pieds.

Le Daily Tar Heel se divise en différentes « desks » qui correspondent à autant de catégories d’articles. Je travaille pour la « University desk », qui est la plus grande d’entre toutes avec ses 30 ou 40 apprentis journalistes. Une partie des volontaires au DTH sont étudiants en journalisme, mais on y trouve néanmoins aussi beaucoup d’autres élèves aux horizons divers qui souhaitent simplement participer à la vie de l’université. Moi, je voulais surtout tenter une expérience en rédaction. Ayant déjà un peu fricoté avec les média étudiants, je pensais que ça serait relativement facile et tranquille.

J’avais foutrement tort.

Mon jour « de garde » au Daily Tar Heel est le mercredi. La veille au soir, généralement vers minuit, je reçois une « shell » de la part de l’éditeur en chef de la University Desk : il s’agit assez d’un mail indiquant mon sujet sur lequel je dois travailler le lendemain. Si j’ai de la chance, mes futurs interviewés ont des boîtes mails identifiés et je peux d’ores et déjà prendre contact avec eux avant d’aller me coucher. Dans le cas contraire je dois attendre le lendemain matin pour leur passer des coups de fils plus ou moins compréhensibles et parvenir à obtenir une interview de vive voix ou, à défaut, au téléphone.

« I’m sorry, could you repeat that please ? »

C’est en parlant au téléphone avec des américains que j’ai saisi toute l’étendue du chemin à parcourir entre mon niveau d’anglais actuel et celui d’un bilingue. Entre les accents étranges, les problèmes de connexion et les débits de paroles plus ou moins précipités, j’ai souvent du mal à comprendre l’intégralité des propos de mes interlocuteurs. Alors je me débrouille. En demandant des précisions par mail, en expliquant que je suis française parfois. Certains trouvent ça mignon. D’autres s’en fichent.

Aujourd’hui a été relativement tranquille. Ma journée avait pourtant bien mal commencé ; impossible de prendre contact avec mes interlocuteurs et mon éditeur en chef ne recevant pas mes mails de détresse – ou tout du moins les évitant habilement -. A trois heures de l’heure limite de rendu, j’ai finalement dégotté une autre histoire. D’un sujet assez ennuyeux et vaguement incompréhensible sur le budget de l’université, je suis passée à un pot de départ de la chef de la librairie de l’université. Elle a adoré mon accent, m’a offert un gâteau à la banane, et m’a donné de super citations. Ici tout le monde adore les « quotes ». Ça rapproche des gens, ça donne du vivant, du croustillant parfois. « Why would anyone want more than to browse a bookstore’s shelves ? ». J’ai beaucoup aimé celle là.

Ma libraire retraitée est aussi une écrivaine. Douce, patiente et joyeuse. Je me suis demandée si je lui ressemblerais, une fois plus vieille.

Une fois les informations prises, il est impératif de filer aux bureaux du Daily Tar Heel avant 15h30, heure du « budget meeting » durant lequel les chefs des Desks font le point sur l’avancée des différents articles prévus pour l’édition du lendemain. Les éditeurs ont parfois mon âge, souvent à peine plus ; mini managers et journalistes hors pairs dont la vie toute entière semble consacrée au journal. Tous les jours, ils pensent au lendemain. Aujourd’hui je suis sortie du journal à 18h30, après 5h passée à la rédaction ; eux ne sont sortis qu’entre 22h et minuit. Si la journée s’est bien passée.

Travailler en rédaction est stressant, frustrant aussi. Avant d’espérer publier mon article, il me faut passer par 3 relectures, où l’on triture mon texte jusqu’à le modifier complètement, parfois. Mais c’est le jeu, il faut répondre aux attentes des lecteurs et de l’éthique de journal ; pas celles de mon égo.

Demain matin, mon article sera publié en page 3 du journal. Comme une gamine, je garde chaque édition contenant l’une de mes histoires au fond d’un tiroir. Un jour peut être, je serais publiée en couverture.

Même si ils m’épuisent, j’ai appris à aimer les mercredis.

A défaut d’avoir des photos en relation avec mon article, voici un aperçu de mes derniers travaux en photojournalisme. L’appareil me résiste encore, mais je crois qu’il m’aime tout de même bien, au fond.