Archive | septembre, 2011

You walk into the room with your pencil in your hand

29 Sep

J’ai travaille à présent au journal de mon université, et c’est bien plus fatiguant que ce à quoi je m’attendais.

Le Daily Tar Heel est le journal principal du campus , mais sa réputation dépasse largement les frontières de Chapel Hill. J’avais été impressionnée par la page wikipédia me promettant « l’un des meilleurs journaux étudiants du pays ». Je suis à présent estomaquée devant cette énorme et redoutable machine à articles dans laquelle j’ai mis les pieds.

Le Daily Tar Heel se divise en différentes « desks » qui correspondent à autant de catégories d’articles. Je travaille pour la « University desk », qui est la plus grande d’entre toutes avec ses 30 ou 40 apprentis journalistes. Une partie des volontaires au DTH sont étudiants en journalisme, mais on y trouve néanmoins aussi beaucoup d’autres élèves aux horizons divers qui souhaitent simplement participer à la vie de l’université. Moi, je voulais surtout tenter une expérience en rédaction. Ayant déjà un peu fricoté avec les média étudiants, je pensais que ça serait relativement facile et tranquille.

J’avais foutrement tort.

Mon jour « de garde » au Daily Tar Heel est le mercredi. La veille au soir, généralement vers minuit, je reçois une « shell » de la part de l’éditeur en chef de la University Desk : il s’agit assez d’un mail indiquant mon sujet sur lequel je dois travailler le lendemain. Si j’ai de la chance, mes futurs interviewés ont des boîtes mails identifiés et je peux d’ores et déjà prendre contact avec eux avant d’aller me coucher. Dans le cas contraire je dois attendre le lendemain matin pour leur passer des coups de fils plus ou moins compréhensibles et parvenir à obtenir une interview de vive voix ou, à défaut, au téléphone.

« I’m sorry, could you repeat that please ? »

C’est en parlant au téléphone avec des américains que j’ai saisi toute l’étendue du chemin à parcourir entre mon niveau d’anglais actuel et celui d’un bilingue. Entre les accents étranges, les problèmes de connexion et les débits de paroles plus ou moins précipités, j’ai souvent du mal à comprendre l’intégralité des propos de mes interlocuteurs. Alors je me débrouille. En demandant des précisions par mail, en expliquant que je suis française parfois. Certains trouvent ça mignon. D’autres s’en fichent.

Aujourd’hui a été relativement tranquille. Ma journée avait pourtant bien mal commencé ; impossible de prendre contact avec mes interlocuteurs et mon éditeur en chef ne recevant pas mes mails de détresse – ou tout du moins les évitant habilement -. A trois heures de l’heure limite de rendu, j’ai finalement dégotté une autre histoire. D’un sujet assez ennuyeux et vaguement incompréhensible sur le budget de l’université, je suis passée à un pot de départ de la chef de la librairie de l’université. Elle a adoré mon accent, m’a offert un gâteau à la banane, et m’a donné de super citations. Ici tout le monde adore les « quotes ». Ça rapproche des gens, ça donne du vivant, du croustillant parfois. « Why would anyone want more than to browse a bookstore’s shelves ? ». J’ai beaucoup aimé celle là.

Ma libraire retraitée est aussi une écrivaine. Douce, patiente et joyeuse. Je me suis demandée si je lui ressemblerais, une fois plus vieille.

Une fois les informations prises, il est impératif de filer aux bureaux du Daily Tar Heel avant 15h30, heure du « budget meeting » durant lequel les chefs des Desks font le point sur l’avancée des différents articles prévus pour l’édition du lendemain. Les éditeurs ont parfois mon âge, souvent à peine plus ; mini managers et journalistes hors pairs dont la vie toute entière semble consacrée au journal. Tous les jours, ils pensent au lendemain. Aujourd’hui je suis sortie du journal à 18h30, après 5h passée à la rédaction ; eux ne sont sortis qu’entre 22h et minuit. Si la journée s’est bien passée.

Travailler en rédaction est stressant, frustrant aussi. Avant d’espérer publier mon article, il me faut passer par 3 relectures, où l’on triture mon texte jusqu’à le modifier complètement, parfois. Mais c’est le jeu, il faut répondre aux attentes des lecteurs et de l’éthique de journal ; pas celles de mon égo.

Demain matin, mon article sera publié en page 3 du journal. Comme une gamine, je garde chaque édition contenant l’une de mes histoires au fond d’un tiroir. Un jour peut être, je serais publiée en couverture.

Même si ils m’épuisent, j’ai appris à aimer les mercredis.

A défaut d’avoir des photos en relation avec mon article, voici un aperçu de mes derniers travaux en photojournalisme. L’appareil me résiste encore, mais je crois qu’il m’aime tout de même bien, au fond.

It could be funnier in english.

26 Sep

Aujourd’hui je n’avais pas envie d’écrire, alors j’ai fait une vidéo.

Oliver James washed in the rain no longer.

22 Sep

Exténuée, trempée, enrhumée. Mais heureuse.

« Hey, wanna come with me to this concert ? »

Alex, mon ami australien, est venu nous voir avec Alice il y a une semaine de cela pour nous proposer de l’accompagner au concert de son groupe préféré. Les Fleet Foxes, à Raleigh. J’hésite un peu, car les billets sont assez chers et le groupe relativement inconnu à ma pauvre culture musicale. A force de persuasion je me retrouve tout de même dans le bus express pour Raleigh, un mercredi soir pluvieux. Alex est très excité, et Alice se fait déjà une joie de manger dans un véritable restaurant en dehors du campus. Je regarde les gouttes dessiner d’étranges sillons sur les vitres et sur la surface de mon parapluie. Bleu azur, ironiquement ; tout le contraire du ciel en cet instant.

Raleigh est une ville de taille moyenne, aux immeubles hauts et à la population fuyante. Nous ne croisons pas grand monde dans les rues ; « c’est comme ça dans la plupart des villes américaines tu sais. ». Nous décidons de nous arrêter manger un morceau dans un restaurant libanais, à la décoration étrangement européenne. La nourriture est bonne et peu chère, comme c’est souvent le cas dans les restaurants américains. Alex essaye de lire une affiche française accrochée à côté de notre table ; je me moque gentiment de son accent et il se moque du mien en retour. « You don’t even know how to pronounce fuck ! ». Pas faux.

Nous loupons délibérément la première partie du concert, et arrivons finalement sur place au moment où les Fleet Foxes s’installent sur scène. Ce que nous savions, c’est que le concert était en plein air. Ce que nous avions oublié, c’est que la météo avait annoncé de fortes pluies pour la soirée. Ce que nous avions pas prévu, c’est que les parapluies seraient interdits dans l’enceinte du concert.

Nous voilà donc, trois imbéciles heureux, trempés jusqu’aux os. Mais applaudissant à tout rompre.

Il y a un moment du concert, durant une des chansons favorites d’Alex, où tout devient différent. Je ne sens même plus mes vêtements tant ils me collent à la peau, et Alex semble boire la tasse à côté de moi. « Je suis en train de nager dans la pluie !». Le chanteur du groupe ne cesse de nous répéter qu’on est les « best fans ever » ; les gens crient et sautent pendant que la pluie redouble d’intensité. La musique est bonne et je me sens ailleurs l’espace de quelques chansons.

Au bout d’une heure de concert, l’une des machines casse à cause de la pluie : et le chanteur semble tellement désolée que personne n’ose vraiment protester.

Alice, Alex et moi déambulons dans les rues noires et détrempées de Raleigh. A nos pieds ce sont des centaines de petits torrents, et nous nous tenons les mains pour ne pas tomber. Trempés comme nous sommes, aucun taxi ne peut nous accepter. « Damn, let’s get an hotel room. ». On se retrouve un peu par hasard dans le hall de l’hôtel le plus proche : c’est immense et ça brille. Alice et moi n’osons même pas aller plus loin que le paillasson de l’entrée. Alex néanmoins dégaine sa carte bancaire.

Dans la chambre à 200 dollars la nuit, on étend nos vêtements détrempés, on boit du thé gratuit et on regarde des dessins animés. On essaye d’oublier que nous sommes tous les trois dans la même chambre avec pour toute dignité des serviettes et nos sous vêtements. Trois vagues adultes trempés discutant politique en regardant Family Guy.

Il est trois heures du matin lorsque je m’endors enfin. Je crois.

Au matin nos vêtements sont toujours aussi humides et froids, et les dessins animés moins drôles que la nuit dernière. En fouillant mon sac je découvre que mon appareil photo a pris l’eau ainsi que mon portefeuille. Les billets ont très bien résisté, néanmoins.

De l’hôtel à un café bobo, du café à une statue très kitsch en l’honneur des victimes de la guerre du Vietnam, de la statue à un taxi. Impossible de trouver un bus nous ramenant à Chapel Hill. Notre porte monnaie en ressort très allégé, mais le conducteur est sympathique. Il me parle quelques mots de français et passe du Bob Marley à l’arrière de la voiture. Je somnole sur l’épaule d’Alice.

C’était une excellente soirée.

Freaks and Geeks

21 Sep

Hier soir je suis allée au club anime.

Le club anime de UNC se réunit tous les mardis à 19h, dans l’un des nombreux auditoriums du campus. Chaque session dure environ trois heures : la première moitié est consacrée à des anime « de passage » (dont on ne regardera que les trois premiers épisodes) et la seconde à des anime « réguliers » (dont on regardera l’intégralité au cours du semestre.). Pour le semestre d’automne, les membre ont voté pour Puella Magica Madoka, Tiger&Bunny et Mawaru Penguidrum. Rien n’a vraiment accroché mon attention pour le moment, mais j’apprécie tout de même énormément le club. Il est franchement bien plus sympa de regarder des anime en bonne compagnie que seule devant son ordinateur.

Parmi les anime postulants au titre de régulier, il y avait l’histoire d’une petite fille japonaise élevée par un vieux français dans le Paris du 19e siècle.

« So that’s what you do in France, steal little cute japanese girls ? ».

Parallèlement au club anime il existe un club jeux de société qui se réunit tous les samedi soirs. La population est à peu près la même que le club anime, un peu moins grande peut être. Certains des membres ne sont même plus étudiants mais continuent tout de même à revenir sur leur ancien campus tous les mardi et samedi soir, juste pour le plaisir. L’ambiance est excellente et n’exclut en rien les nouveaux ; en un rien de temps j’ai appris à connaître et reconnaître les membres « piliers » de ce petit groupe. Il y a Cameron, le président des deux associations dont les cheveux sont incroyablement longs ; il y a Chris, travailleur à la croix rouge le jour et rôliste assidu la nuit ; il y a William, le garçon qui court partout, tout le temps, et qui fait parfois un peu plus peur que rire ; il y a Taylor, jeune fille à peine sortie du lycée et accro à toutes les fictions produites par la BBC.

Il y a enfin Alice, Sean, Anska et moi même, les quatre européens du groupe, complètement sidérés de l’importance donnée ici à la culture geek.

Rien que dans mon campus, on compte trois associations plus ou moins  « nerds » : le club anime, le club jeux de société et l’équipe de Quidditch. Il y avait également un comic books club jusqu’il y a peu, mais qui a visiblement disparu avec la gradution de son président. J’ai néanmoins trouvé une librairie de comic books à deux pas de mon dortoir, où Alice et moi avons déjà dépensé plus de temps et d’argent que de raison.

Il y a une claire euphorie ressentie pour nous autres européens de se retrouver dans un pays à la fois berceau et fabuleux réceptacle de la culture geek. Aux États-Unis, tout est grand et démesuré ; cela comprend également ce domaine très particulier. Tous les jours je croise au moins un élève portant un badge, un porte clé, ou des vêtements aux références obscures. On m’a par ailleurs déjà vanté les énormes conventions du pays, mais déconseillé le célèbre Comic Con, « bien trop grand, avec trop de monde ! ». Même ma colocataire, gentil cliché de l’américaine fan de football américain et de shopping, est une mordue du Seigneur de Anneaux. Il y a une semaine elle a installé une Playstation 2 dans notre chambre ; tous les soirs elle joue à de vieux jeux et s’énerve contre les manettes lorsqu’elle perd. Je trouve ça mignon.

Au pays de The Big Bang Theory, les jeunes filles portant fièrement des tee shirts « Talk geeky to me ! » sont légion. « Ces gens là sont les mêmes qui se moquaient de nous parce qu’on jouait à la gameboy dans la cour de récréation. Ils suivent la mode, voilà tout. Parce que tu sais, les américains … ». Parmi tous les étudiants que j’ai pu rencontrer jusqu’ici, les geeks sont ceux qui ont été les plus enclins à critiquer leur pays.

« Ca me déprime de te parler, en fait. Ça à l’air tellement mieux chez toi… »

L’autre jour, dans ma librairie universitaire, j’ai trouvé les magazines officiels Doctor Who, coincés entre deux journaux à l’air austère. Ça a rendu ma copine Saskia folle de joie.

Dirty looks

20 Sep

Je n’ai toujours pas trouvé le temps d’écrire un véritable article.

Avant-hier j’ai fêté mon premier mois aux Etats-Unis. Je pense que je commence à prendre le rythme, à trouver mes relations, et ma place aussi ; peut être. J’ai découvert des potentiels amis derrière les simples connaissances, et parfois une certaine aisance dans des matières scolaires qui m’étaient jusqu’ici inconnues. Je ne suis pas la meilleure, mais je me débrouille visiblement pas trop mal. J’aime ça, en tous cas. L’autre jour j’ai eu un 29/25 à un contrôle de connaissances, et mon prof m’a juré qu’il me verrait bien travailler à la BBC. Saskia est très enthousiaste à propos de ce projet, et me promet déjà un grand avenir au Worldservice.

« Come on, you have to work for the BBC now, no choice given ! »

Il a commencé à faire plus froid à Chapel Hill. J’ai pris certaines habitudes qui témoignent d’un quotidien déjà bien installé. Tous les mardi et jeudi matins, à 7h25 précises, je croise ma voisine de chambre Annie dans la salle de bain. On ne dit pas grand chose d’intéressant, mais au moins on se sourit. C’est déjà pas si mal.

J’ai découvert que les américains pouvaient être moins gentils, parfois. La vraie vie a repris ses  droits dans la mienne et ça me va.

Hier je suis allée me faire poser des plumes dans les cheveux avec Saskia et Fran, et j’ai décidé d’aller à Boston avec Alice et Alex (qui n’est pas ma roomie). La plupart de mes amis ici viennent de Grande Bretagne ; Alex vient d’Australie, ceci dit. Je ne suis pas sûre qu’il sera très aisé de se revoir, après son départ en Décembre.

Mais d’ici là, on profite.

I’ve got your picture of me and you

15 Sep

Je suis fatiguée. Vraiment, vraiment fatiguée. Mais d’une bonne fatigue, celle qui te fait regarder un peu en arrière et beaucoup en avant, et qui te fait dire : c’est bon, ça vaut le coup.

Demain j’aurais mon nom dans un journal pour la toute première fois.

Il m’arrive des choses très sympas ces derniers temps, des choses dont je peux pas forcément encore parler ; et peut être que je ne pourrais jamais en parler. On verra bien. Je suis fatiguée et je suis vraiment heureuse.

Ce que je viens d’écrire ne veut sans doute rien dire. Alors en attendant de publier quelque chose de compréhensible, je vais vous montrer un peu mes travaux de photojournalisme en cours. Ce n’est pas grand chose, mais ce n’est pas si mal pour autant. J’aime bien me promener avec mon gros appareil photo, faire sourire les nanas et grimacer les garçons.

Ma vie est franchement chouette.

I’ll be there for ya

11 Sep

Cela fait à présent presque un mois que j’habite aux Etats-Unis. Les débuts ont été rudes, la première semaine particulièrement morose. Derrière l’excitation le mal du pays et derrière les nouvelles têtes rencontrés des inconnus. Sympathiques inconnus certes, mais rien de très fort entre nous, pour un moment du moins : et c’était normal. Et ça a changé. Quatre semaines après mon arrivée, l’inconnu se fond petit à petit en du familier, et je me sens enfin à l’aise et bien entourée.

En tant qu’élève en échange, j’ai été amenée à fréquenter beaucoup de mes collègues internationaux, notamment les premiers jours, au travers des différents évènements organisés pour faciliter notre intégration. Si les différents « meetings » ne m’ont pas spécialement aidé à rencontrer des étudiants américains, j’y ai néanmoins gagné pas mal de copains des quatre coins du globes.

Les premières furent Fran et Saskia.

J’ai rencontré pour la première fois Fran et Saskia à l’aéroport de Raleigh, lors de mes premières heures en Caroline du Nord. Elles viennent toutes les deux de Grande Bretagne, et ont en conséquence l’accent le plus parfait qu’il soit ; à mes yeux, du moins. Fran et Saskia sont des filles adorables et très drôles ; ensemble on se moque gentiment de la culture américaine, ou de tout autre chose, et on rigole beaucoup. Fran et Saskia ont entre autre ce petit côté geek que j’appréciais déjà chez certains de mes amis en France. Saskia trafique son ordinateur pour pouvoir regarder Doctor Who en direct sur la BBC, tandis qu’un nombre respectable des statuts Facebook de Fran sont consacrés à son amour d’Harry Potter. Je me sens à l’aise avec ces filles là. « How are you today, love ? ». La semaine prochaine, Saskia et moi allons chez le coiffeur ensemble. Ça sera sans doute un grand moment.

Il y a eu ensuite Hitomi.

Hitomi est une jeune japonaise de 21 ans, à l’accent américain impeccable (fruit d’un séjour de trois ans à Détroit) et à l’enthousiasme débordant. Au delà des clichés de la femme asiatique timide et réservée, Hitomi rit beaucoup – sans se cacher derrière ses mains – et affectionne particulièrement les grosses baskets et les casquettes de baseball. Hitomi s’inquiète parfois, trop : que je puisse m’ennuyer avec elle, de se faire agresser sur le campus à onze heures du soir. Elle me dit qu’elle se sent en sécurité avec moi, et ça me fait bêtement plaisir. Quand Hitomi sourit, elle ferme presque les yeux sous ses mèches de cheveux rousses ; elle répète souvent son prénom aux Américains, et exprime son approbation par des « I knooooow ! » joyeux. Parfois Hitomi vient dans ma chambre et s’installe sur le canapé ; je l’aide avec ses devoirs de français, et on regarde ensuite des bêtises à la télévision.

Puis j’ai appris à connaître Alice.

J’ai rencontré Alice dès les premiers jours, au détour d’un buffet de pizzas offert par le bureau des études internationales de l’université. Néanmoins, nous ne nous sommes vraiment rencontré que sur les sièges du club anime, il y a deux semaines de cela ; toutes les deux étonnées de retrouver l’autre dans un endroit pareil. Il s’est finalement avéré qu’Alice aime autant lire des mangas et jouer aux jeux de société que moi. Alice vient d’Angleterre, d’une ville que « même les anglais ne connaissent pas » ; elle étudie la littérature, est végétarienne depuis la naissance et possède beaucoup de vêtements de l’époque victorienne chez elle. Avant elle portait des dreads, et a maintenant une frange un peu trop courte. Je trouve ça mignon.

Au fil des semaines je me suis liée avec des américains aussi, évidemment. Il y a Alex tout d’abord, ma roomate ancienne pompom girl accro à la playstation 2 et aux livres de coloriage qu’elle griffonne avec fièvre lorsqu’elle est triste ou en colère. Elle boit du Moutain Dew, m’offre des sandwichs pizza maison, et m’apprends des expressions américaines qu’on ne voit certainement pas dans les livres de classe. Il y a Deborah ensuite, adorable Deborah, qui s’excuse pour tout et n’importe quoi, mais d’une gentillesse incroyable. Deborah est pâle et a de grands yeux : concentrés lorsqu’elle me parle en français, rêveurs quand elle me parle de ses voyages passés et rêvés à Paris. Parfois, je viens dans son joli appartement pour regarder des séries télévisées ; j’adore ses sandwichs de beurre de cacahuètes et de confiture.

Et puis il y a tous les autres, que je ne rencontre pas encore assez régulièrement à mon goût, mais que j’apprends à connaître, petit à petit. Il y a les autres français, avec qui il est plutôt réconfortant d’échanger quelques mots dans sa langue. Il y a le club de jeux de société, le club anime, le club des francophiles, le journal de l’école, l’équipe de Quidditch (!). Il y a les cours, les voisins, les sourires et les regards timides mais curieux. Plein de possibilités de rencontres s’ouvrent à moi cette année. Je ne suis plus seule. Je ne l’ai sans doute jamais été.

She was an American girl

6 Sep

« Hey la frenchie ! Bienvenue chez les rednecks ! »

Vendredi je suis enfin sortie du campus de UNC ; pour découvrir un peu l’Amérique en général, et la Caroline du Nord en particulier. Ma roomate Alex m’avait invitée à passer le week end avec sa famille : vendredi, je suis grimpée dans sa voiture et nous sommes parties. C’est ainsi que pendant que mes camarades internationaux partaient à Washington ou New York, je m’en allais pour Forest City.

Sur les bords du lac où nous séjournons, la nature est magnifique et les gens aussi abordables qu’adorables. Ma nationalité et mon accent en intriguent plus d’un, le fait que je sois partie si loin de chez moi également : « you’re a brave young woman Lucie ! ».  Je leur explique que ce n’est pas si terrible, que les américains sont très accueillants : les sourires sont fiers et se muent en rires francs quand je leur explique ma difficile adaptation avec la nourriture locale. « Say, say, how is France different from the US? » Autour de moi huit adultes, chacun propriétaire d’une ou deux armes ; de leur propre aveu tranquille.

Well that’s what’s different, folks.

C’est un week end à l’américaine, enivrant, parfois un peu angoissant aussi, mais je n’ai pas envie de m’inquiéter et de critiquer, pas maintenant. Je me prend le choc culturel à la figure et mord dedans à pleine dents. Je saisis pour la première fois une arme en main, je conduis un jet ski, je m’assois dans une chaise à l’effigie du drapeau américain, je mange à Taco Bell, à McDonald’s, dans un steakhouse, plein de choses grasses mais délicieuses. La famille d’Alex possède un gros bateau grâce auquel nous allons loin sur le lac : je m’y baigne et reçois un joli coup de soleil sur le nez. Je ne suis pas maquillée, je porte des vieilles tongues, mes cheveux sont emmêlés et secs ; et c’est pas grave, et ça va bien. Je bois de la mauvaise bière en plaisantant avec des gens de l’âge de mon père, et je réalise qu’au final ce n’est pas si différent de chez moi, ma France et les soirées passées dans la Meuse. La convivialité ne connaît pas de frontières.

La maison d’Alex est immense, remplie de bibelots honorifiques et religieux : le trophée de meilleure pompom girl de l’année côtoie un livre de prière fièrement présenté sur la table de la cuisine. La télévision du salon est aussi grande qu’une armoire et aussi bruyante qu’un orchestre. Le matin Alex et moi regardons Ma Sorcière Bien Aimée en mangeant des bâtonnets au fromage panés. C’est franchement dégueulasse – mais ça passe bien avec une rincée de soda – : à l’américaine.

Sur le chemin du retour Alex conduit vite et bien en chantant à tue tête du Lady Gaga et de la country, successivement. Je suis fatiguée mais contente. Je ne suis pas allée à New York ou à Washington, certe, mais j’ai fait la connaissance de quelque chose de différent. Un truc qu’on trouve plus facilement dans les recoins d’un lac perdu au beau milieu de la campagne que dans les rues encombrées des villes.

J’ai rencontré l’esprit américain et il m’a bien plu.